Pendant longtemps et jusqu'à peu, le cœur jouissait d'un prestige considérable et, comme le cerveau, on le croyait irremplaçable. Ce moteur animé par un courant alternatif qui marche en continu depuis le début jusqu'à notre fin, sauf en cas de décès prématuré, était l'objet d'une vénération qui culminait en adoration pour les fidèles du Sacré Cœur de Jésus. On le sent battre discrètement, il se permet quelques emballements en cas d'émotion ou d'une course un peu haletante. En général, il se fait oublier. Ce n'est pas un moteur à explosion, comme le côlon, si je peux me permettre.
Malheureusement, et c'est la faute à Barnard (1967), le cœur a perdu son aura. Non seulement on le triture, on le farfouille, mais on le remplace. Dès qu'il montre ses limites, un peu de faiblesse, de l'insuffisance, on fait un échange standard (dans la limite des stocks disponibles). Le pauvre cœur est débarqué, remplacé et jeté. Voilà où l'on en est. D'autres, des mécanos, veulent en faire du petit électro-ménager, à acheter sur catalogue, chez TOVIN, le quincaillier à l'angle de la rue Machin, en face de chez Truc.
Le pire est pour demain. Bientôt on aura un cœur bio-génétique compatible, au congélateur. Élevé en porcherie, prélevé à maturité sur un pauvre cochon qu'on aura modifié pour nous ressembler, l'effort ne sera pas grand. Fini le risque de rejet, chacun aura son cœur cloné en attente du besoin, on choisira son animal favori. Pour les français le veau fera l'affaire, par atavisme, pour les anglais, ce sera le lion, par patriotisme.
___
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire