Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


lundi 5 février 2018

L'ENFER

L'habileté et l'intelligence des créatifs qui, il y a des siècles et des siècles, réinventèrent l'ENFER n'ont jamais été égalées par tous les "Mad Men" de la publicité.

Le concept très ancien mais modernisé remporta un succès inouï. Il correspondait à la perfection au cahier des charges que le Haut Conseil d'Administration leur avait soumis. Ils avaient la mission de trouver le moyen de fidéliser une clientèle soumise à d'autres tentations.

Il tombait à point, car la société n'en était qu'aux premiers stades de son développement et ne faisait que commencer à s'internationaliser. Elle rencontrait les difficultés habituelles sur un marché porteur mais très compétitif. Les religions déjà installées n'entendaient pas se laisser déloger. Elles avaient une bonne connaissance du terrain, des consommateurs satisfaits du produit n'ayant pas eu d'autre choix. Sur son marché domestique, l'ÉGLISE CATHOLIQUE avait pris une position dominante quand elle s'était fait nationaliser, à la suite d'une OPA amicale, par l'empereur en titre, un sympathisant activiste qui avait compris tous les avantages qu'il tirerait à être le protecteur affirmé de l'affaire. Effectivement l'investissement s'avéra fructueux pour les deux associés.

Si elle voulait continuer à envahir d'autres pays, à investir sans craindre un retournement de tendance ou l'arrivée d'une concurrence forcément à redouter, il fallait fidéliser la clientèle et la retenir captive. Avec l'Enfer dans son portefeuille, l'Église tenait  le jackpot, la bonne martingale, le rêve secret de tous les marchands de la terre.

À l'enthousiasme du président, des administrateurs, des directeurs de conscience répondit celui des consommateurs. Le terrain avait été préparé par un battage médiatique: sermons en tout genre, pèlerinages, conciles, processions, apparitions, etc. Au plan  individuel, une politique de proximité bien conduite avait préparé les esprits par un bouche à oreille d'une grande efficacité. La confession était une pratique fortement encouragée, elle permettait une connaissance intime de la clientèle et, en guise de récompense, une pénitence était distribuée avec générosité. Le confessionnal était donc, d'un certain point de vue, une antichambre de l'Enfer. Une idée devenue familière devient plus facilement acceptable, de nos jours l'idée est acquise.

Nous ne nous attarderons pas sur la description de l'Enfer, n'étant pas sadique. Si vous voulez frémir en claquant des dents et  en savoir davantage, reportez- vous à Dante ou à Jérôme Bosh. Ils lui doivent leur célébrité. 

Pour les âmes bien trempées, nous rappellerons seulement le pitch de l'Enfer: non pas dans sa version originelle qui remonte à la nuit des temps, l'être humain ayant toujours aimé se faire peur, mais celle qui remonte à quelques siècles après J.-C. et qui en est une variante sadique, grand guignolesque de l'endroit:

L'Enfer est une rôtissoire de grande dimension où tous ceux qui ont eu l'imprudence de ne pas recevoir l'absolution, par un personnel accrédité, juste avant de mourir, pour se faire pardonner tous les péchés capiteux commis et qui les ont fait trépasser en état de péché mortel: fainéantise, gloutonnerie, concupiscence, érotomanie, vanité, pingrerie, etc., etc. finiront leur éternité. Tous ces tristes sirs et ladies y seront envoyés, la résurrection des corps terminée, sitôt la fin du monde achevée, pour être fris au troisième degré pendant  l'éternité.

La sanction est sévère et on est stupéfait qu'elle soit infligée par une âme charitable qui prêche l'amour du prochain et le pardon des offenses, mais nul n'est prophète en son pays.A posteriori, on s'étonne que la menace d'une telle punition n'ait pas entraîné un effet inverse et provoqué une fuite panique et la désertification massive de tous les lieux de chalandise et d'achalandage. Il faut croire que, soumis à une discipline de fer, enrégimentés, sanctionnés à la moindre peccadille, sermonnés  à longueurs de prêches, ils se sentaient obligés d'acheter leurs salades.

Le succès s'étiola avec le temps : SIC TRANSIT GLORIA CÆLIIl y eut des tentatives méritoires pour relancer les ventes. L'un des successeurs du créateur de l'entreprise eut l'idée d'actualiser l'Enfer en le mettant à la lumière et ce fut une longue période de guerres dites saintes, de guerres de religion pour éradiquer manu militari la concurrence. Pour redonner un coup de peur, on lança la mode des bûchers pour les sorcières, les hérétiques, ceux qui ne croyaient pas au père Noël. Ce furent les heures de gloire de l'inquisition, une entreprise de pompes funèbres, rattachée à la direction générale. Mais toutes les dictatures, tous les absolutismes finissent. Leur publicité mensongère ne résiste pas à l’usure du temps ; à la lumière de la raison, le sens retrouve la bonne direction. Une réclame ne dure pas éternellement, les grosses ficelles apparaissent. On est honteux d’y avoir cru. C’est ce que se disent tous les gogos de la Grande Distribution des indulgences, des ex-votos, des pénitences, des miracles, jurant, mais un peu tard, qu’on ne les y reprendrait plus.
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