Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


vendredi 6 mars 2015

UN DESTIN ORDINAIRE

Côté privé, d'abord tout petit, il grandit tant qu'il put, fréquenta, se croisa, se multiplia.

Côté public, ce ne fut pas plus compliqué. Il commença dans le primaire, continua dans le secondaire et fit carrière dans le tertiaire.

Il se serait bien vu militaire, d'abord capitaine, puis colonel, enfin général et, pour complaire à la générale, il aurait volontiers fini maréchal. Mais ayant les pieds plats, des objections et pas la fibre,  il préféra entrer à la Française des surplus. D'abord sous-chef de rayon, il passa, à l'ancienneté, chef de comptoir. Avec de la patience, il obtint le grade de chef de l'étage. Par faute de renfort, de stratégie et grâce à une concurrence déloyale, il ne devint jamais le grand chef du département qu'il aurait mérité d'être. Quoique confiné, sa réussite fut un exemple pour la jeunesse, un bâton pour sa vieillesse. La fierté d'un tel parcours flattait son orgueil, mais il n'était pas du genre à se contenter de beaucoup: il n'était pas qu'un œuf dans le nid, une araignée dans sa toile, un timbre sur la lettre, une cheville dans la poutre. Il n'avait pas que de l'appétit, des ambitions, des prétentions, des devoirs, des besoins, un avenir, une histoire.  Il était possédé par une Conscience, une Morale, une Raison, un Esprit et surtout par une belle Âme. Toutes ces entités mystérieuses lui posaient trois questions:

-d'où venait-il?

-Qui était-il?

-Où allait-il?

Elles l'interpellaient, l'asticotaient, le dérangeaient sans s'arrêter. Ce n'étaient pas des commodes, plutôt  du genre à Pandore.

Le temps des réponses à tout était passé et il peinait à répondre à ces sacrées entités plus ou moins siamoises. La dernière, ajoutée sans doute pour donner une note spirituelle, n'était pas la moins embêtante car elle avait des prétentions esthétiques qui l'embrouillaient plus que les autres. C'était la faute à l'éclaireuse, la Conscience. Impitoyable,  elle donnait aux questions un éclairage qui ne permettait pas de regarder ailleurs, mais, pitoyable, elle était incapable de deviner le futur pour savoir où il sera, de sonder le passé pour regarder où il était et, même Montaigne , le grand Montaigne avouait ne pas se connaître lui-même très bien, alors, à notre chef d'étage, c'était beaucoup demander !!

C'était ce qu'il se disait pour se consoler.

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