Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


vendredi 21 mars 2014

LES AVATARS DE L’ADOLESCENCE (11)

Ou l’origine des malheurs du monde



CHAPITRE XI


LA POLITIQUE



Les épreuves qui accablent l'adolescent seraient insupportables si des échappements ne venaient diminuer la tension. La fuite dans les occupations ludiques est le principal mécanisme de cette défense. Elle est efficace car les distractions sont des activités qui stimulent l'imagination, canalisent l'énergie et apprennent le goût de la fête. Elles ont, par là, un rôle fondamental dans la formation et sont des lieux d'échange et de communication incomparables.

Elles permettent aussi un contact avec une réalité et une ambiance moins conflictuels que le sont la famille, l'école, le lycée, etc.

Cette confrontation peut ne pas servir d'exutoire aux conflits internes. La perception de ce qui se passe dans le monde réel se confine alors à un milieu où l'adolescent n'est pas en phase. Il perd ainsi la chance de se frotter à un aspect plus amical et convivial de la société, dans un milieu où sa différence ne pose pas de problème. Dans ce cas, rien n'atténue son ressentiment. La subjectivité du regard devient exclusive; toutes ses expériences du moment la renforcent.

La solution ou l'opinion qu'il proposera a peu de chances d'être la bonne car il n'aura pas acquis l'habitude d'étudier tous les aspects d'un problème d'un œil serein.

L'adolescence est l'âge de l'impatience. Il a envie de répondre à la question au moment où elle se pose. Cette hâte et une évaluation incomplète ne peuvent donner qu'un mauvais résultat.

Le besoin d'action de l'adolescence, positif en soi, privilégie malheureusement le court terme car ses aspirations sont immédiates. Le long terme n'entre pas dans ses préoccupations.

Cette incapacité de résoudre les difficultés à froid sévit beaucoup en politique. Elle traduit une impuissance à appréhender le réel et à y faire face. Ce traitement est caractéristique du pouvoir tel qu'il est exercé par l'énarchie. Elle oscille constamment entre deux erreurs; soit elle court au plus pressé sans se soucier des effets et aboutit à une décision hâtive, incomplète, spectaculaire parfois, catastrophique à moyen et long terme, soit elle ne fait rien car la situation est si complexe que la solution suppose des réformes compliquées. Le travail paraît impossible à des gens si pressés. C'est au temps et aux futurs détenteurs du pouvoir que le terrain est abandonné.

Les événements qui défrayent l'actualité et effraient le sens commun, sont 1e fait d'individus dont la situation éminente ne paraît pouvoir s'acquérir qu'après avoir fait la preuve de qualités de sagesse, de réflexion et prouvé que la versatilité, l'irrésolution, la générosité à courte vue, les foucades leur étaient étrangers.

Exercer un pouvoir suppose en effet des vertus qui ne ressemblent en rien aux qualités qui permettent la conquête de ses attributs.

L'histoire aurait dû leur apprendre la circonspection. Beaucoup des grands désastres qui ont ensanglanté le monde ne s'expliquent que par une décision illogique, irrationnelle prise par un roi, un empereur, un grand capitaine, un généralissime inconscient, fantasque, prétentieux, narcissique au point de n'écouter que les flatteurs, poussé à l'action sans en peser les conséquences, intransigeant et devenu sourd à la prudence. Plutôt que de revivre Azincourt, Waterloo, Sedan, les offensives du général Nivelle, les péripéties du Watergate, de l'Irangate nous parlerons de deux faits d’armes qui ont défrayé la chronique des dernières décennies.

L'affaire du Rainbow-Warrior est encore dans les mémoires. A tous les stades de la décision, de la préparation, de la mise en place, du déclenchement et surtout à l'occasion des explications finales nous trouvons des réactions, des mensonges, des refus de responsabilité qui expriment de façon caricaturale la personnalité immature des hauts personnages de l'État, de l'Armée qui décidèrent, organisèrent, ce médiocre attentat. Ils la cachèrent sous la componction, le masque sévère, la volubilité ou le silence que la fonction impose. Cette façade dissimule mal tout ce qu'a supposé une telle détermination. Quelques unes des raisons ont été dites. Il est facile d'imaginer les autres: la colère d'abord qui ne supporte plus la contradiction d'une poignée d'écologistes, la rage de se savoir assez fort pour donner une leçon à des infatués, la peur d'être ridiculisé par un petit bateau se faufilant au travers d'une escadre, le plaisir de construire un complot, de s'essayer à la guerre avec les armes que la persévérance a enfin permis d'obtenir après tant d'années passées à regarder jouer ceux qui avaient le pouvoir.

Comment résister à de telles sollicitations et envisager le ridicule d'un échec, la mort d'un homme, le déshonneur d'une France ravalée au rang d'État terroriste. Des vrais adultes se seraient arrêtés à ces considérations; des adolescents sont tombés dans le piège et se sont affolés dans le désastre, préférant se taire puis nier pour enfin, acculés à l'évidence, reconnaître avec embarras leur responsabilité.

Quelques années plus tard, un scénario presque semblable est mis en scène. Une autre équipe est au commandement. Elle n’a rien retenu des leçons de l'échec précèdent. Elle est aux prises avec un problème qu'elle ne sait comment résoudre. Les écologistes sont devenus des canaques. Ils contestent notre présence. Ils sont eux aussi, nous assure-t-on, manipulés par l'étranger. Ils ne sont pas pacifiques niais violents et l'ont prouvé en massacrant quelques gendarmes et en capturant les survivants. La négociation commence. Elle progresse difficilement dans les palabres et les revendications. L'honneur du pays et la proximité des élections présidentielles ne se satisfont pas de son rythme L'orgueil national a été atteint. L'humiliation infligée à des soldats par des individus dont les qualités ne sont pas les nôtres ne saurait être laissée impunie. La possibilité d'une revanche permettant peut-être une vengeance mérite d'être considérée.

Les obstacles à un compromis avec des gens tellement différents, la possibilité d'employer la ruse, une technologie puissante - peut-être des bombes commandées par laser - bref, de faire étalage de toute une supériorité intellectuelle, technologique, militaire convainc les ministres, le chef du gouvernement - demain président de la République - que l'attaque est la seule réponse digne de la France contre des insurgés primitifs, mal armés. L'assaut est donné le jeudi 5 mai 198S, le carnage tient ses promesses, les otages sont libérés. Leur liberté justifiait les morts des deux côtés. Les chefs militaires, les hommes politiques sont fiers de leur décision, de la manière et des résultats. Pour aucun d'eux il ne s'est agi d'un jeu. Leur conviction, leur sincérité, leur bonne foi peuvent être considérées comme entières. La décision n'a pas été prise sans intenses réflexions. Elle leur est apparue comme inéluctable. Ils méritent notre confiance sans restriction sur ce point. L'adolescent ne joue pas. Il en a abandonné l'habitude. Ce qu'il fait est fait sérieusement, convaincu de son droit, sûr de sa dialectique. Il les éprouve et n’en use que depuis peu mais le doute ne l'habite pas. Ses choix, ses amours. ses haines peuvent changer selon la dernière influence dominante, sa certitude est totale à chaque fois. L’honneur de la France, l'avenir de la Nouvelle-Calédonie exigeaient un bain de sang. Quel adulte un peu prévoyant, un peu conciliant, avec quelques souvenirs du passé et l'appréhension des lendemains aurait agi avec une telle impétuosité? Une identification si complète, si parfaite n'est pas charmante.

Les hauts faits de nos hommes politiques ont suscité ce climat détestable qui a souvent ressemblé à une guerre civile dans notre pays. Il est entretenu par les partis qui s'accusent à tour de rôle de turpitudes et rejetant sur les prédécesseurs la responsabilité de tout ce qui va mal. L'état politique supprime les états d'âme. La guérilla absurde ne résout rien et détruit les relations civiles. Le politicien qui fait de l'adversaire un ennemi est poussé par l'ambition et la soif du pouvoir. Elles éteignent les scrupules. Elles s'accompagnent pour la même classe de l'impossibilité de reconnaître à l'ancienne majorité un mérite, une initiative heureuse. La minorité courageuse qui s'y hasarde n'est pas loin d'être traîtresse. Le politicien dans l'opposition est sur la défensive quand on lui demande des comptes sur sa gestion passée et mène une offensive dans l'espoir de regagner le pouvoir. La position est délicate. Elle l'oblige à entretenir une querelle. Elle ressemble à celle qu'il avait inaugurée avec ses parents. Elle avait pu être maîtrisée mais a peut-être laissé des traces. Le besoin de pouvoir est le même que celui d'indépendance qui oppressait l'adolescent. L'avidité, la suffisance, les certitudes sont les mêmes sans la faiblesse et l'inexpérience de la jeunesse. La cruauté, la partialité du jugement sont débarrassées des réticences, aiguisées par un appétit qui revient plus fort parce qu'il a déjà été rassasié. Le politicien déchu tolère mal la situation humiliante où le met la défaveur des urnes. Il a peut-être subi dans l'adolescence des rebuffades mais il connaît maintenant les réponses aux questions et il est certain d'être un chef. Sa rage d'une reconquête, qui lui fait, sacrifier famille, amis, éventuellement convictions n'est pas non plus un signe de maturité. Le déçu hargneux est devenu plus que jamais dangereux.

Le monde politique combine de façon caricaturale l'intransigeance, le sectarisme et le mépris. Ce dernier a été renforcé par la puissance qui s'attache au mandat électif. On imagine avec effroi le degré atteint par tous ces sentiments quand le pouvoir est quasi régalien.

Tous ces comportements renvoient à l'adolescence car c'est a ce moment que s'acquiert la possibilité d'évaluer et d'assumer, de répondre de ses actes. Cette capacité suppose une lente maturation de la personnalité qui prend conscience de son identité et de sa liberté. Elle s'établit progressivement et l'adolescent est devenu adulte quand la responsabilité est revendiquée et assurée.

Les politiques s'absolvent de leur irresponsabilité et des conséquences politiques, sociologiques parce qu'ils n'ont pas évacue l'esprit de groupe où l'adolescent se réfugie quand le monde adulte lui apparaît hostile. Il trouve réconfort et sécurité car la chaleur de la bande - ici un parti politique – manifeste alors bruyamment sa solidarité. Cet appui renforce sa bonne conscience et son soupçon d'une conspiration de la part des autres.

Ces comportements politiques rejoignent beaucoup d'autres attitudes et démontrent seulement que leur adolescence est inachevée, qu’ils ne sont pas dignes d’une fonction qu’ils ne doivent qu’à la même immaturité de leurs électeurs..

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