Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


jeudi 12 décembre 2013

LES EXCUSES DU JOUR

Les éditions Galimarion refusent de publier mon travail. Vous ne pourrez donc pas vous offrir, en cadeau de fin d’année, le livre utile, capable de rendre service, d’éclairer l’avenir.
Ce ne fut pas un travail facile. Je l’ai mené avec rigueur et vigueur, n’épargnant aucun sacrifice, faisant les efforts nécessaires, me confrontant aux expériences les plus éprouvantes :
-      un stage de 6 mois comme brancardier dans un service d’urgence à l’AP ;
-      un remplacement de veilleur de nuit dans une maison de retraite, au 5ème étage. Il est appelé, par le personnel, « le mouroir »;
-      un bénévolat pour secouriste lors d’un tremblement de terre en Transbiélokystan ;
-      un reportage de 15 jours avec une équipe de pompiers désincarcérateurs sur l’autoroute A33 ;
-      un emploi d’agent de sécurité pendant un mois dans un service d’urgence d’un hôpital de banlieue ;
-      une simulation d’infarctus pour être hospitalisé dans un service de soins intensifs en cardiologie.
Il y eut beaucoup d’autres expériences sur le terrain, chaque fois qu’il est propice à des situations pouvant devenir rapidement hors contrôle.
L’enquête m’obligea à lire beaucoup, à visiter des centres spécialisés, à recueillir des témoignages de rescapés d’un crash d’un avion de ligne, d’une avalanche, d’un tsunami, d’un EMI.
Il y eut aussi 2 rencontres impressionnantes. L’une avec un médecin belge spécialiste de l’euthanasie à domicile, l’autre avec une équipe suisse s’occupant aussi de faciliter le dernier voyage dans une clinique réputée. Ils m’autorisèrent à assister à leurs interventions. Leur intelligence, leur humanité, leur clairvoyance, leur courage, leur sagesse me laissèrent une impression qui n’est pas près de s’éteindre.
Après plusieurs années d’effort, le matériel était réuni et je me suis attelé à la rédaction. Un an d’écriture et j’en avais fini. J’avais trouvé un titre alléchant :! « Les mille et une morts ». Je le préférai, finalement, à ce qui fut un moment mon premier choix « Comment vous allez mourir ». Trop direct, trop brutal, il risquait d’heurter la sensibilité de ceux qui conservent, malgré le développement bienheureux des soins palliatifs et le concernement enfin éclairé du personnel soignant pour la fin de vie, une appréhension légitime pour le dernier évènement de leur vie et qui préfèrent faire semblant d’oublier qu’il arrivera.
Vous avez compris que mon ambition était de combler une lacune et d’apporter – enfin – la lumière sur la manière dont nous vivrons nos derniers instants. Notre société est trop lâche, trop hypocrite, trop peureuse pour aborder ce problème de façon ouverte, franche, sans complexe ni tabou et surtout sans peur.
Je ne laisse rien dans l’ombre, je détaille les symptômes de chaque pathologie et son évolution jusqu’au terme. Je décris les états physiques, le mental, les douleurs associées, les effets positifs et négatifs des traitements et enfin et surtout je ne laisse aucune ombre sur les 5 dernières minutes. C’est là que le suspens est à son comble, quand le rideau va tomber, que les lumières s’éteignent et que l’éternité va commencer.
Le moment est unique, le plus important de la vie. C’est en le connaissant qu’on le supportera au mieux car il ne surprendra pas.
Ce livre, qui ne paraîtra pas, aurait apporté de précieux renseignements aux esprits curieux, à ceux qui n’aiment pas l’imprévu et savent qu’un voyage est d’autant meilleur qu’il a été bien préparé.
Enfin et surtout, il aurait eu un effet préventif. La description réaliste des morts brutales, sauvages, subites et qui fauchent sans prévenir aurait pu éviter – peut-être – les dépassements de vitesse, l’alcool au volant, des faux exploits sportifs et mortels, des voyages lointains inutiles, dans des pays instables, sur des avions pourris, dans des endroits où l’on reçoit des balles perdues, où l’on est kidnappé puis exécuté, où l’on attrape des sales maladie dont on ne guérit pas.
Sachant quel genre de fin procure un cancer du poumon, une insuffisance respiratoire, le fumeur y aurait trouvé sans doute des raisons d’arrêter de s’intoxiquer. Le buveur qui boit sans modération, après avoir assisté par procuration à la mort d’un cirrhotique dans le coma hépatique, serait enclin à mettre de l’eau dans son vin. L’hypertendu observerait mieux son traitement s’il apprenait comment meurt un hypertendu qui se néglige. L’obèse se donnerait des raisons pour mieux manger et ne pas risquer de devenir diabétique s’il savait comment le diabète se complique et fait mourir, etc.  
Toutes mes excuses pour vous avoir mis l’eau à la bouche alors qu’il n’y aura rien à boire.
________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire