Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


samedi 21 décembre 2013

HALTE AUX VŒUX

 
Avant de commencer votre campagne de vœux, vous avez intérêt à écouter ce que j’ai à en redire. Vous vous épargnerez une corvée pénible, économiserez un temps et un argent précieux. Vous les dépenserez à votre profit pour faire ce que vous auriez dû faire hier et acheter l’objet inutile dont vous avez tellement envie.
 
Les vœux sont à la prière ce que la crème pâtissière est à la crème anglaise. Des pointilleux relèveront des petites différences dont ils feront des Monts Blancs. Ils argueront qu’entre une cartomancienne qui sait voir le dessous des cartes et une carmélite confite en dévotion et martyrisant ses genoux il n’y a pas photo. Ils ont raison et je ne confonds pas la sainte foi de l’une et la folle conviction de l’autre.
 
Il convient, d’abord, de prendre du recul et de remonter aux premières années de notre ère. Ne confondez pas avec le quaternaire où nous serions toujours mais avec l’ère chrétienne. À la suite des premiers chrétiens dont il avait repris les prétentions, Charlemagne décréta que notre calendrier avait débuté 800 ans auparavant, quand le Christ était né. La date exacte reste, en réalité, inconnue car la fiche d’état civil a été perdue lors de la fuite en Égypte.
 
La période des vœux remonte donc à 2000 et quelques ans, celle des prières débutera 3 décennies plus tard, peu de temps après la remontée au ciel du fils de Dieu. Il n’y a pas de doute sur le jour, le fait est abondamment décrit dans plusieurs évangiles, du moins ceux qui, ayant reçu l’imprimatur, sont dignes de foi.
 
Les vœux sont plus saisonniers que la prière. Ils subissent une recrudescence en fin d’année et culmineront à l’arrivée de la nouvelle année. Vous remarquerez que, quelque soit le millésime on parle toujours de vœux de l’an neuf. La prière est, elle, une occupation quotidienne pour ceux qui s’y adonnent avec régularité. Elle a des pics d’activité lors des offices dominicaux. La prière du soir, autrefois très prisé, surtout dans les campagnes, à l’heure de l’Angélus, est en déclin et c’est bien dommage. J’en garde la nostalgie car elle donnait une impression de paix, de recueillement. Le silence rompu seulement par le son de la cloche, contraste horriblement avec le bruit et la fureur qui agitent maintenant le monde paysan.
 
La prière peut plier le genou mais n’a pas rendu l’arme. Elle continue, cachée, dans des lieux retirés, apanage de reclus dont nous reparlerons.
 
Si le vœu et la prière ont eu un destin commun dans leur jeune âge, il devint croisé par la suite et leur chemin bifurqua quand arriva la séparation de l’église et de l’état (1905). La prière avait déjà souffert d’attaques répétées lors de la révolution de 1789 où elle avait été mise hors la loi. L’éclipse avait été de courte durée. On peut même dire que, dans le secret des cœurs, sa flamme était restée ardente surtout en Charente maritime et dans les pays de Loire et de Vilaine.
 
Vœux et prières changèrent de statut. Le vœu devint laïc et ses grands prêtres, des ministres d’état, entrèrent au gouvernement ; la prière resta une affaire purement religieuse et ses mandataires se firent appeler ministres du culte.
 
Je ne ferai, comme vous, aucun commentaire sur ce schisme pour ne pas être l’allumette qui mettrait le feu à la poudre d’une nouvelle guerre de religion. La guerre civile rampante qui rode aux portes de Paris me suffit. Avec mon franc parler, ma rude franchise, et mon culot monstre, je vais enfin dire ce que j’avais à dire : la prière, comme le vœu, est un pieux mensonge, une demande hypocrite, une lettre sans accusé, une promesse en l’air, enfin une baliverne proférée par des acteurs qui débitent un texte avec conviction comme au théâtre de la Gare, avec componction, comme à la Comédie Française, mais toujours dans un rôle de composition.
 
Pourquoi haïr ces gentils mots qui font plaisir à dire et à entendre ? Me direz-vous, scandalisé. Mais parce que mon dossier à charge est rempli à ras bord.
 
Depuis l’an 30, combien de milliards  de « Je vous salue Marie », de « Notre Père qui êtes au ciel » sont montées vers les nuages, de kilomètres en années-lumière de chapelets en rosaire ont été parcourus, de chants grégoriens, de messes en fa, sol, la, si do, de « cantique des cantiques », de « petit papa Noël » ont été exécutés, chantés, fredonnés, et tout ça, pour quel résultat ?
 
Mais le même que celui des milliards de milliards de cartes de vœux échangées et des billions de souhaits en tous genres, de toutes espèces pour la paix, la prospérité et, surtout, la santé.
 
Le bilan de cette flopée de prières, de vœux vous le connaissez aussi bien que moi, si vous vous donnez la peine d’ouvrir vos yeux et vos oreilles. Il est navrant, il est nul, il est désespérant !
 
Depuis toujours, ce ne sont que guerres, dans la famille, dans les rues, dans les cités, entre clans, entre tribus, entre états, entre nations et les plus fous se préparent à la faire aux étoiles.
 
La prospérité, parlez-en aux nouveaux pauvres, aux morts de faim, aux expulsés, aux migrants, aux victimes des faillites, des banqueroutes, des krachs, des escrocs, etc.
 
La santé surtout, ne s’arrange pas. On meurt plus tard, mais dans quel état ! et elle nourrit les déficits, les hôpitaux, les centres anticancéreux, les cliniques psychiatriques, les laboratoires de chimie, de recherche et qui ne trouvent rien sauf des crèmes antirides. La mortalité infantile n’arrive pas à baisser, l’hécatombe routière se poursuit, les cancers sont toujours plus nombreux, plus féroces, plus mortels.
 
Et toutes ces horreurs, tous ces malheurs qui croissent et embellissent malgré tous les bons vœux et les belles prières, ça vous pas fait douter ? Et si ça ne servait à rien, si on perdait son temps ? Si c’était un cache-misère, une occupation hypocrite pour s’éviter de réfléchir et de s’attaquer aux choses sérieuses ?
 
Vous lâchez pas prise, vous y tenez, à votre carte postale et à votre petite prière. Vous me forcez à continuer.
 
Je préfère le vœu à la prière. Il est plus sincère, car moins intéressé, moins servile, moins égoïste, moins hypocrite. On offre des vœux par générosité, pour faire plaisir en espérant que le mauvais sort sera conjuré et notre ami enfin heureux, au moins pour un an.
 
La prière a d’autres buts et sa prétention vise un autre destin, celui du prieur. Il dresse son homélie à une entité supérieure en qui il a mis tous ses espoirs pour que la suite à venir soit digne de son appétit et à la hauteur de sa peur. Il conjure son mauvais sort en faisant semblant de prier pour celui du voisin. Je ne parle pas des croyants qui vont au charbon et affrontent la misère en première ligne mais de ceux qui s’abîment les rotules sur le mode continu (Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies), dans des espaces bien clos, derrière des murs épais, loin des distractions, bien concentrés dans leur adoration d’un Dieu inconnu, inaccessible mais qui peut certainement beaucoup, après tout ce qu’on lui prête. Il faut se faire pardonner d’être né, c’est un péché qu’il faut expier. Ils prient donc, d’arrache-pied et, en louant le responsable de tous les malheurs, ils espèrent bien s’en faire dispenser quand le jour viendra.
 
Seul le hasard rend la prière et le vœu gagnants. Cela arrive de temps en temps. Le gros lot du Loto se rappelait avoir pensé, au moment de marquer les bons numéros : « Mon Dieu, faites que je gagne ».
Ce n’était pas un miracle mais son jour de chance.
 
Pourquoi cette obstination à faire des vœux et à prier en vain ?
 
L’explication oblige à aller taquiner la sociologie et la physiologie. Le détour est plaisant.
 
La prière a beaucoup occupé ceux qui planchent sur les reliquats modernes des incantations premières et des superstitions primitives. Ils en ont retrouvé la trace dans les hiéroglyphes égyptiens mais aussi dans des cavernes inaccessibles de la jungle de la Papouasie du Nord sous la forme de peintures rupestres de la fin du tertiaire, dans l’ivoire d’une dent de phoque géant (96 cm de tour de taille) trouvé dans un igloo daté de 3 millions d’années avant J.-C. et parfaitement conservée au sein d’un glacier géant du quadrant supérieur droit du cercle polaire. Le propos montre l’universalité du genre humain, sa propension, quelle que soit la latitude mais aussi la longitude à supplier le grand Pan et à essayer d’infléchir sa divinité supposée afin de lui demander de faire le travail à sa place et de forcer les choses dans un sens favorable : faire tomber la pluie quand le sol se dessèche, arrêter le feu quand l’incendie perd le contrôle des flammes, stopper la peste avant que la mort s’ensuive, arrêter les fourmis quand la Marumba gronde, enfin chaque fois que l’homme -  souvent poussé par sa femme - a, la peur au ventre, la mort aux trousses.
 
Les physiologistes s’y sont intéressés un instant quand ils ont étudié les réflexes archaïques. Présents à la naissance, ce sont eux qui font fermer les menottes du nourrisson quand on lui chatouille la paume ou se mettre à téter goulûment quand le téton s’approche de ses lèvres. Ils disparaissent en temps utile quand le besoin est passé. Leur persistance au-delà des normes imparties est considérée comme un retard du développement mental augurant d’une scolarité difficile à conclure par les félicitations du jury. N’ayant rien à en dire, ils s’en sont vite détournés, ayant mieux à faire.
 
Si ce problème vous passionne vous trouverez facilement les renseignements complémentaires en cherchant bien. Personnellement le sujet ne m’intéressant pas plus que ça, je me suis contenté du peu que j’en savais pour vous en faire profiter. De la même façon je n’ai pas été voir dans les mondes parallèles qui peuplent notre planète quels étaient leurs us et coutumes vis-à-vis des vœux et des prières. Je trouve les voyages lointains trop fatigants, les prix en classe économique trop élevés, les navettes spatiales trop inconfortables pour aller s’ennuyer à essayer de comprendre des langues pas faciles à apprendre etc. Je ne connais pas l’ordre de leurs priorités, quelles sont leurs divinités, s’ils recherchent le bonheur sur la terre ou au ciel. Et pour être franc et tout à fait cynique, j’ai autre chose à faire, notamment en finir avant la fin de l’année avec ce pensum qui n’en finit pas et commence à m’énerver.
 
Vous avez compris que je milite pour qu’on en finisse avec les vœux habituels ou du moins avec leur formulation courante. Je serai plus réservé quant à la conduite à tenir avec la prière. Il semblerait, à en croire la fréquentation des églises et de la Sainte Chapelle, qu’elle vit ses derniers moments. A force de prier dans le vide, les cloîtres se dépeuplent et leurs cellules se transforment à un rythme de plus en plus soutenu en chambres d’hôte. La prière se fait rare parce que les découvertes récentes auraient montré que l’histoire qui racontait que Dieu aurait fait un voyage sur la terre en se faisant passer pour son fils serait, en fait, une légende rurale. Finalement toutes les prières auraient été dites pour rien ? J’attends cependant une confirmation du Vatican. Dans le doute, je me limiterais aux vœux et vous propose un changement de stratégie afin que les vœux cessent d’être creux, l’expression d’un conformisme, une habitude, une hypocrisie et, comme je l’ai peut-être déjà dit, que l’évidence balaie l’apparence.
 
Comment ? Comment ? Criez-vous. Simple. Il faut arrêter d’envoyer des vœux à Pierre, Paul et à ses sœurs et concentrer le feu de l’action sur l’année elle-même, la responsable de tout. Voyez l’année qui va finir. Tous les quotas de guerres, de crises, de faillites, d’attentats, de morts, de coups d’état, d’épidémies de faim, de choléra, d’incendies, d’inondations, de tremblements de terre, de chômage brut et technique, de hausses de prix, de baisses d’activité, d’inflation, de stagnation, de déflation et, maintenant, de récession ont été pulvérisés. Et ceci malgré des vœux qui, fin 2012, nous avaient promis une année heureuse, prospère avec un beau soleil mais avec ce qu’il fallait de pluie, de travail, de chance et, surtout, la santé. Donc on change tout, on laisse tomber les vœux privés et on s’adresse directement au responsable, à qui organise la chienlit générale et nous conduit au chaos, à la ruine, au naufrage, à la grande débâcle. L’année à venir doit être consciente de ce qu’elle fait afin d’abandonner les mauvaises habitudes prises depuis si longtemps, rappelez-vous Hiroshima, 39 et avant, 17, 1870, la guerre de 100 ans, le Moyen-âge, les sept plaies d’Égypte, l’agonie des dinosaures, etc. Toutes ces années qui nous en ont fait baver, qui ont accumulé les catastrophes et qu’il a fallu passer l’échine tremblante, dans la boue, le froid, le désespoir, la mort. Combien d’années terribles depuis le début ? Toutes. Aucune belle époque ne l’a été.
 
Que lui dire ?
 
D’abord la remercier d’être fidèle au rendez-vous et de ne pas se laisser décourager par la mauvaise qualité des évènements de l’année qui s’achève.  Le procès permanent qu’elle subit doit être pénible à vivre mais, sa responsabilité était engagée puisqu’elle leur offre l’hospitalité. Elle doit admettre que ceux qui en souffrent sont en droit de s’en offusquer. Bénéficiant de la loi d’amnistie traditionnelle on l’oubliera pour se concentrer sur l’année à venir afin de ne pas disperser les forces. 2014 doit travailler à améliorer ses performances et réussir là où les précédentes ont échoué. Il lui suffira de suivre mes recommandations :
1. Elle doit retrouver une dignité et arrêter de subir des mauvaises influences. Le passé doit être oublié afin qu’elle ne cherche pas à l’imiter, ce qu’elle fait depuis trop longtemps. Elle ne doit pas regarder en arrière mais se concentrer sur ce qui va arriver afin d’essayer de l’améliorer. Pour cela, elle doit fermement s’engager à arrêter d’avoir des fréquentations douteuses et ne sortir qu’avec de la qualité éprouvée. Ne rien acheter à la sauvette, prendre des garanties, privilégier les marques connues et la qualité supérieure.
 
2. Elle doit aussi ne pas croire tout ce que les orateurs, même très bons, prétendent. Apprendre à discerner le vrai du faux, les diseurs de vérité de ceux de mauvaise aventure.

 

3. Elle doit discipliner son climat et arrêter d’augmenter la température de l’eau et de l’air. Cela donne soif, dessèche la peau et fait trop marcher les climatiseurs avec les risques que cela comporte pour les ours blancs et les phoques qui ne savent plus où se mettre.

 

4. Elle doit normaliser sa pression afin d’éviter les excès qui favorisent la stagnation du ciel bleu, une mer d’huile, suppriment le vent et même les courants d’air. Cela entraîne une pollution qui oblige à marcher à pied. De la même façon, les basses pressions seront à éliminer en raison des tempêtes tropicales, des cyclones et autres ouragans qui font beaucoup de dégâts un peu partout.

 

5. 2014 devra réfléchir avant d’agir, en choisissant, par exemple :

·         des endroits inhabités pour faire tomber la foudre ;

·         de faire trembler la lune plutôt que la terre ;

·         de faire pleuvoir là où la nappe phréatique a besoin de remonter ;

·         de déclencher des épidémies dans les armées en campagne, plutôt que dans des camps de réfugiés ;

·         d’être enfin raisonnable, en se comportant en année responsable :

·         du temps qu’il fait, avec du beau temps ;

·         du temps qui passe, avec du bon temps ;

·         en ne créant pas des conditions de vie difficiles ;

·         en favorisant la solution des problèmes ;

·         en retrouvant les chemins de la prospérité ;

·         en autorisant une prise de conscience des responsables.
 
La santé doit rester prioritaire car elle permet de bien profiter de la vie : jouer au tennis, faire de la pêche sous-marine, visiter un musée ou s’éclater au hip-hop est difficile, voire impossible avec une perfusion au pli du coude.
 
2014 doit être une année où rien ne sera à risque et avertie qu’on attend beaucoup d’elle. Elle doit savoir qu’elle restera sous surveillance armée, que tout incartade sera sévèrement réprimée et que sa récompense, si elle a tenu ses promesses, satisfera son attente.
 
La carte type pourrait être de la sorte :
 
Chère année nouvelle,

Nous t’attendions avec impatience. Tu es une année bienvenue qui, j’en suis sûr, nous changera de la précédente qui a très mal fini pour n’avoir tenu aucun compte des avertissements.

Nous te demandons d’être :

F lucide, réfléchie, transparente, généreuse, de bon conseil, de bonne santé et de ne nous préparer aucune mauvaise surprise.

Moyennant quoi, je crois pouvoir te parcourir en te laissant tranquille.

Respectueusement,

Un compagnon de route.
 
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