Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


vendredi 17 mai 2013

LE JUSTE PRIX (suite et fin)

Imaginons une ville sans éboueurs pour enlever les ordures. Très vite, comme à Naples, à Marseille, elles envahiront la ville l’ensevelissant sous la pestilence. Elle apportera les rats, la peste, la mort. Le métier est fatigant, sale, malodorant. Même à un cancre, le père n’ose pas dire : « tu seras éboueur mon fils, si tu ne travailles pas ». Et pourtant ce métier n’est-il pas le métier le plus utile à la communauté, celui qui empêche que les rats ne la submergent et ne l’éradiquent ? L’éboueur devrait avoir un salaire de prince.
Le médecin est décrié, vilipendé, fauteur de trous, de déficits. On ergote sur le prix de sa consultation. On traque ses ordonnances, ses certificats.
Moins payé que le médecin des chats et des chiens, le médecin de la campagne et des villes doit supporter les gémissements, les cris, la douleur, les souffrances de ses clients, mettre ses mains dans leurs sanies, dans le trou de leur cul, dans leurs entrailles. Il doit respirer leurs odeurs, sonder leurs reins, crèver leurs furoncles, leurs bubons, nettoyer leurs chancres, tailler dans le vif, recoller leurs fractures, recoudre les déchirures. On lui dispute les 23€ de sa consultation, ses suppléments, ses dépassements.
Pour le prix de son travail, pour son bac + 7, + 8, +9, + 10, + 15 qu’il a consacré à apprendre son métier, à être utile, nécessaire, quel salaire devrait-il daigner d’accepter pour toute la merde qu’il est obligé de supporter, cet éboueur en blouse blanche ?
L’histoire n’a pas été avare de révolutions. Toutes devaient changer cet ordre et établir celui dont nous avons parlé en rêvant. Pourquoi ont-elles échoué ?
Parce qu’elles ont toutes mis en branle la loi du plus fort qui fait que la vérité ne fait pas le poids devant la réalité et qu’une loi apparemment naturelle ne peut rien face à une force réellement naturelle.
Ceux qui font une révolution : les Castro, Mao, Lénine, Robespierre ou des coups d’État (Napoléon 1 et 3, Hitler, etc.) sont des chefs, des leaders. Ils entraînent, convainquent, créent l’espoir, l’enthousiasme, sont suivis, sont vainqueurs, ont le pouvoir, la puissance. Ils deviennent les maîtres de la place, prennent les rênes. Leurs fidèles, leurs comparses, leurs complices se partagent les restes et vont prospérer, s’engraisser, se nomenklaturiser. Les autres, ceux qui ont applaudi de gré, de force, attendent, espèrent. Les nouvelles lois, les nouveaux règlements vont certainement inverser cette fameuse échelle des salaires, c’était promis, juré. Une police, une justice se mettent en œuvre pour les faire appliquer. Il y a même la milice qui surveille les militaires veillant toujours aux frontières.
Pour occuper les esprits, justifier leur emprise, expliquer leur entreprise, de nouveaux bons apôtres font dans l’éducation des masses, le lavage des cerveaux. Ils fabriquent de officiants, des militants, entretiennent la flamme, promettent des récompenses, punissent ceux qui doutent, châtient les récalcitrants.
Tout le monde qui n’est pas occupé ailleurs se remet au travail, retourne aux champs, dans les usines qui doivent tourner. Il faut produire de la richesse que ceux qui savent et qui peuvent emploieront pour leur bien et, s’il en reste, pour celui des autres.
Les vieilles recettes fabriquent la bonne soupe qui est servie à ceux qui tiennent la louche. Très occupés à distinguer ce qui sera à faire, à digérer ce qu’ils viennent de prendre, ils n’ont pas le temps, au début, de faire tout ce qui était prévu puis, au fur et à mesure qu’il passe, ils perdent de vue les raisons qu’ils avaient eues et le cercle vicieux reprend sa ronde immuable. Rien n’y fera, c’est la fatalité. L’homme au pouvoir est un carnassier, toujours affamé.
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