Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


vendredi 3 mai 2013

INITIATION À LA VIE BUCOLIQUE (2)

  1er jour – Samedi
6 h : lever au son du tracteur.
6 h 30.- Ablutions dans l’abreuvoir au milieu de la cour.
7 h.- Petit déjeuner dans la salle de traite : lait à volonté. Les croissants et les brioches n’ont pas été livrés car le boulanger en vacances n’a pas fait sa tournée du jeudi.
8 h.- Début du stage par une prise de contact avec Gaïa, déesse de la terre.
Tout le monde entassé dans une bétaillère part pour une parcelle laissée en friche depuis 3 ans et qu’il convient de défricher avant remise en blé.
4 équipes de deux sont appareillées et armées :
1ère équipe : deux hommes sont équipés de faux pour couper la mauvaise herbe.
2ème équipe : deux femmes sont munies de râteaux pour enlever la mauvaise herbe.
3ème équipe : deux hommes sont chargés de bêches pour retourner la terre.
4ème équipe : deux femmes avec des râteaux doivent aplanir la terre.
Ce premier travail est destiné, avait prévenu le maître de stage, à prendre conscience de ce qu’étaient les travaux des champs avant l’arrivée du machinisme agricole.
Le travail sera interrompu avant l’heure fixée et une infirmerie de campagne établie vers 10 h – 10 h30 en raison de l’indisposition des stagiaires : lombalgies chez les préposés au fauchage, ampoules aux deux mains chez les ratissières, 1 lumbago aigu chez un retourneur de la terre, douleur aigue à la plante du pied chez l’autre avec ampoules à la main droite. Ce sont les deux dernières qui ont joué les infirmières car l’avancée des travaux leur avait laissé leur temps libre. Elles s’étaient contentées de regarder leurs collègues de fortune avant de devenir d’infortunés collègues.
Le retour se fit clopin-clopant dans une ambiance de camaraderie qui a maintenu très haut le moral de la troupe.
12 h 30. Déjeuner, dans la grande salle. Il fut revigorant à souhait avec le menu traditionnel du pays :
-      Soupe de carottes ;
-      Pot–au-feu garni ;
-      Compote de pommes ;
-      Eau et cidre acide à volonté.
Les deux lombalgiques s’étaient fait excuser car ils avaient des difficultés à marcher. Un verre d’eau et une aspirine leur firent le plus grand bien, en attendant l’arrivée du rebouteux qui, heureusement, n’était pas en vacances comme le boulanger.
13 h 30 à 14 h 30 : Sieste générale.
14h30.- Initiation à la mécanique agricole.
Il y a d’abord eu, présentés par Lucien R, les divers engins utiles (en tant que chef de culture, il est aussi chef mécanicien).
1 tracteur John Deere, 560 Cv.
1 tracteur McCormick 90 Cv.
1 New Holland 85 Cv.
1 tracteur Claass 112 Cv.
Tous en état de marche.
1 charrue à 25 socs réversible. Commande électronique, sans chauffeur.
1 épandeur de fumier, 1 cultivateur, 1 semoir polyvalent, 1 faucheuse, 1 faneuse, 1 presseuse, 1 moissonneuse-batteuse, 2 fourragères, 3 ensileuses, 1 tractopelle en location.
Arsène de la T., qui tenait énormément à conduire un tracteur, a été autorisé à essayer la tondeuse autoportée. Il est sorti ravi de son expérience.
Durant l’heure consacrée aux travaux mécaniques chacun fut muni d’une pompe à graisse et lubrifia, qui un tracteur, qui une moissonneuse-batteuse, qui un tractopelle. Ce furent des moments vécus comme les minutes de vérité brutale où le corps reprend possession de la personnalité et impose son silence et ses courbatures.
15 h 30.- Une visite fut rendue aux vaches dans la stabulation libre. Chacun put faire connaissance avec un mammifère ruminant femelle laitière et patauger joyeusement dans la bouse.
Une séance de traite à la main fut organisée pour ceux qui s’en sentaient capables. Seuls Xavier et Justine eurent le courage de s’atteler aux pis et s’évertuèrent à pomper du lait. Leurs efforts furent récompensés après deux tentatives qui les firent beaucoup rire et beaucoup souffrir les pauvres bêtes qui n’avaient jamais été martyrisées de la sorte. La traite mécanique a, on le sait, le plus grand respect pour la mamelle vacharde. Une dégustation du produit lacté fut offerte à ceux qui n’étaient pas dégoûtés par l’odeur organique du liquide crémeux.
16 h 30.- Visite fut rendue à César, le taureau multiprimé qui paissait dans son coin. Il fut demandé aux dames de rester à distance en se positionnant sous le vent afin de ne pas réveiller le cochon qui sommeille en permanence chez César, sa lubricité naturelle étant exacerbée par les phéromones du sexe faible quelle qu’en soit l’espèce. Pour sa survie, on doit l’astreindre à l’abstinence au moins un jour sur deux, car il a tendance à abuser de sa force vitale pour satisfaire ses vaches qui lui en font voir des sauvages. César a le profil d’un bison américain bodybuildé. À côté de lui, un Miura ressemble à un taurillon tétant sa mère. César, c’est le colosse de Rhodes.
Les messieurs furent également priés de se tenir à distance car César est jaloux et ne veut pas être plus cornu que nature.
17 h.- Les lombalgiques, remis sur pied par les soins du rebouteux du village, purent se joindre aux autres rescapés pour assister à une conférence sur les méthodes modernes d’assolement des sols argilo-calcaires avec une étude comparative des résultats d’un labourage profond traditionnel et ceux actuellement préconisés par une fraction de réformistes d’obédience révolutionnaire qui refusent la profanation de Gaïa par des sillons et veulent se contenter d’un effleurement symbolique de son épiderme afin de sauvegarder la vie sauvage du derme superficiel, domaine des vers de terre, fécondeurs naturels.
Un débat contradictoire entre le conférencier, ingénieur en chef de l’Inra et le maître de culture s’ensuivit. Il fut vif mais personne n’en vint aux mains. Des notes furent prises, des adresses échangées, on promit de se revoir. Un verre d’honneur, servi avec du cidre bouchonné, clôtura la conférence dans une joyeuse pétarade.
19h.- Chacun mit à jour notes, rédigea son carnet de bord, écrivit ses lettres, soigna ses bobos, se refit une beauté.
20h.- L’heure du souper sonna. Il fut conforme à la tradition, consistant, roboratif, calant bien le corps : Soupe -  Pot–au-feu à volonté – Fromage et pain dur à satiété - Eau et cidre brutal. Chicorée au tilleul pour de beaux rêves.
21 h.- Le pas traînant, fatigués d’avoir tant fait, moulus, boitant, geignant, chacun, chacune monta aux échelles pour regagner, qui son foin, qui sa paille pour se préparer au lendemain.
Bonne nuit, dormez bien, à demain.
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