Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


lundi 22 avril 2013

COMMENT DEVENIR PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE

Le Saint Graal de la littérature mondiale n’est pas à la portée de tous les écrivains. La sélection est sévère. Elle est l’apanage d’un groupuscule d’esprits pénétrés de l’importance de leur mission, dévoués à célébrer la mémoire de l’inventeur de la poudre de 4ème génération et précurseur inspiré de l’extermination de masse. L’abnégation dont ils font dorénavant preuve dans l’exercice de leur fonction augmente encore notre admiration.
 
Leur choix obéit à des critères que les candidats à la gloire ne doivent pas ignorer s’ils veulent, au terme de leur fécondité, quitter l’arène littéraire avec un petit viatique qui leur assurera une retraite paisible et une notoriété à laquelle ils avaient renoncée.
 
Ils doivent être :
 
1/ Obscur aussi bien dans la forme que dans le fond.
 
Le style sera hermétique, avec une tendance sans équivoque à l’incompréhension totale du lecteur moyennement cultivé, possédant le vocabulaire habituel de l’honnête homme de sa catégorie et une maîtrise raisonnable de la grammaire, de la syntaxe.
 
Le style privilégiera une simplification apparente de la prosopée en employant le contre-sens systématique mais hiérarchisé. La banalité du propos exclura toute trivialité et se maintiendra aux frontières de la méditation transcendantale. Il sera renforcé (le propos) par l’éloquence de sa traduction syllabique.
 
L’opposition entre le fond et la forme est le stigmate qui interpelle les fondés du Nobel littéraire. Elle garantira également l’enthousiasme des critiques de Libération, de Télérama, de la Revue des deux mondes et de Témoignage Chrétien qui découvriront leur héros de toujours dès l’annonce du résultat.
 
2/ Inconnu.
 
Le Nobel de Littérature ne récompensera jamais un grand écrivain populaire : Graham Green, Kessel, Burgess, Montesquieu (oui, je sais, mais à titre posthume) ne l’ont pas été. Aujourd’hui Le Carré, Stephen King, Grisham ne le seront jamais. Il doit être inconnu de tous, publié quasi à compte d’auteur par un éditeur habitué des tirages confidentiels, traduit d’une langue connue des seuls habitants d’un pays ignoré car trop petit pour apparaître sur une carte. Le tirage de tous ses chefs d’œuvre aura été limité à la satisfaction de ses proches (la famille ayant habituellement disparu durant son jeune âge).
 
La personnalité de l’auteur enfin sorti de l’anonymat où il se complaisait pour ne pas laisser distraire une inspiration puisée aux meilleures sources (en voie d’épuisement compte tenu de la baisse de la nappe phréatique) apparaît - à ceux qui ont réussi à l’approcher – très riche. Elle se définit par une apparence austère qui s’enveloppe dans un silence éloquent. Le regard sibyllin est dominé par un regard perçant. Il sait émettre des sentences définitives qui illustrent à merveille le sens caché de son message à la portée universelle.
 
3/ Respectueux de l’environnement. L’œuvre doit avoir du signifiant, c’est-à-dire signifié que l’empreinte carbone de sa pensée, de ses actes et de son écriture ne participe pas au délabrement de Gaïa, sa muse exclusive. Elle doit permettre à Télérama de sortir un numéro spécial sur son héros du jour – valable pour tous les candidats, seul le nom aura été laissé en blanc – où le critique en extase saura montrer que l’auteur nous a apporté ce qui manquait depuis le départ d’Arthur R. en Abyssinie en 1880 et que lui aurait apporté l’autre espoir s’il n’avait pas, dans une mort prématurée et préméditée, préféré se retirer du champ  d’honneur de la littérature  On retrouve chez l’impétrant la fulgurance d’une destinée activée par le génie créatif et qui a su s’épanouir avant de s’envoler prématurément comme les deux jeunots qui ont été ses aînés.
 
Mieux encore qu’ils l’auraient été s’ils avaient été dans son siècle , il a su parler de l’air, de l’eau, de l’herbe, du souffle, de la ruminance de la vache asservie à son pis, du cochon qui sommeille dans sa bauge, du bouton d’or du pissenlit qui revendique sa place face au dédain du tournesol victime lui-même de l’activisme forcené d’une agro-culture industrielle, complices des pollueurs, des conservateurs et d’un ministère de l’agriculture aux ordres des destructeurs de nos mouches à miel, gardiennes de la fécondité et de la biodiversité.
 
Nanti de ces trois qualités qui font la gloire et la grandeur d’une littérature iconoclaste sans lecteur car illisible, sans intérêt car ouvrant des portes ouvertes, biocompatible avec tous les poncifs du moment, l’homme de lettres qui les réunit a toutes les chances d’entrer dans le panthéon des enterrés vivants dans la légende de la littérature disparue.

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