Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


samedi 23 mars 2013

DU TOUT AU RIEN

Réponse du Créateur à sa créature

Le Créateur répond à  l’article du 15 mars 2013.
Monsieur,

Vous portez, dans un texte dont vous reconnaissez la paternité, des graves accusations sur la façon dont j’ai réglé le problème terrestre.

Sachez que la terre n’est pas ma première expérience. Elle n’est qu’une parmi les milliards de milliards de planètes que j’ai modelées depuis le début de l’éternité. Quand j’ai commencé à m’ennuyer tout seul, dans le vide, j’ai fait éclater des fusées et péter des bombes pour voir des lumières de toutes les couleurs et égayer la monotonie de l’infini. J’ai applaudi au résultat. Le ciel habité était plus joli à regarder. Avec toutes ces billes qui n’en finissaient pas de tourner autour des étoiles qui, elles-mêmes, se mettaient à faire des constellations j’avais beaucoup à regarder. Il y en avait des grosses, des petites, de toutes les couleurs. Parfois elles explosaient, se confondaient, se poursuivaient. Un jour, je me suis lassé de les voir tourner à vide, j’ai commencé à les peupler pour voir ce qui arrivait.

Image du rayonnement primordial de l'Univers prise par le satellite européen Planck. | ESA
(soit l'Univers il y a 13,8 milliards d'années)


Quand ce fut le tour de la terre, j’étais fatigué d’avoir tant travaillé. Je venais de me planter avec les martiens. J’avais abusé de la chlorophylle, surtout dans un endroit qui manquait d’air. Faute de plantes pour se nourrir, les martiens, végétariens, ne résistèrent pas longtemps devant la force du vent solaire. Ils disparurent sans laisser de souvenir.

Pour me racheter – à mes propres yeux, car je n’ai de comptes à rendre à personne – j’ai fait de la terre un endroit agréable à vivre et aussi à visiter pour ceux d’ailleurs. J’étais content du résultat. La planète était bleue et jolie à voir même de loin. Peut-être pas autant que Saturne avec ses anneaux, mais il fallait aller jusque dans le Capricorne pour trouver un astre aussi réussi.

Je me suis appliqué à créer l’homme et à le rendre présentable, capable de se tenir droit sur ses deux pieds. Je ne compte pas toutes les ébauches. Vous en avez trouvé quelques unes. Elles n’étaient pas toutes belles à voir, certaines étaient même abominables.

Pour modeler le crâne, le rendre proportionné aux pieds, calculer la longueur des bras par rapport à celle des jambes, décider du nombre de doigts, de dents, d’oreilles, de nez, la largeur du bassin, la qualité de la vision, de l’audition, le nombre de sensations, j’ai pris mon temps. Pour ce qui est des sentiments, de la moralité, de l’intelligence, j’ai commis l’erreur de sous-traiter. Le résultat n’a pas été de qualité avec une intelligence déficiente, des connaissances limitées, un jugement défaillant et une moralité douteuse. Superstitieux, ambitieux, orgueilleux, il m’a déçu dès le début. J’ai eu beau lui envoyer des avertissements, des messagers, des sommations, il n’obéit pas, ne comprend rien.

Vous pinaillez sur les pucerons, les chats, les tigrons mais c’était pour créer un peu de fantaisie et d’émulation. Non, l’homme, et même la femme, que j’avais ajoutée croyant lui faire plaisir et pour l’occuper à autre chose qu’à jouer au foot ou à s’entretuer sont des échecs. À la dernière, j’avais donné des avantages pour qu’elle ne se sente pas inférieure. Dès le début elle n’a commis que des bêtises. Jamais contente, jouant la coquette, elle les a mis dans le pétrin. Pour se parfumer, elle fit une razzia sur les fleurs, pour parader, elle obligea son bonhomme à faire la peau aux zibelines, aux visons, aux panthères. Il lui fallait des bijoux en or avec des diamants autour. Pour en trouver, la terre  fut toute percée. L’argent commença à manquer. Le temps des dettes est arrivé.

Le mal est fait. Moi aussi je le regrette. J’aurais dû me méfier, lui donner une intelligence supérieure ou en faire un hermaphrodite bon à tout. En supprimant la guerre des sexes on aurait évité que les mâles se battent entre eux. Perdant le goût du sang, ils seraient restés meilleurs et végétariens. Le règne animal n’aurait pas été décimé, pas de poulets en batterie, les rhinocéros rumineraient en paix, les requins ne perdraient pas leurs ailerons, les hirondelles dormiraient tranquilles dans leurs nids : la vie sur terre serait belle.

C’est votre option. Vous avez raison. C’est pour cela que je ne vous ferai pas un procès. Je ne vous en veux pas. Je vous le revaudrai quand on se verra.

P.S. Je profite de l’opportunité qui m’a fait rompre la mutité que m’impose ma fonction pour :

1° dénoncer la soi-disant création de l’homme à mon image. Ce bruit qui court dans une légende réputée sérieuse (Genèse 1.26-31) est un faux. Je n’ai jamais dit avoir eu cette intention. C’est contraire au sens de responsabilité que j’ai envers moi. Je dois rester unique pour conserver son prestige à la charge. L’inanité de la prétention, relayée par des individus mal intentionnés, éclate quand on voit ce que l’homme a fait à sa terre. Avec mes qualités en héritage, on n’aurait pas assisté à un tel naufrage.

2° pour remercier mon fils préféré, un enfant prodigue, à qui j’avais pardonné d’avoir fugué il y a 2 000 ans. Recueilli dans une famille d’accueil, il avait tenté de s’intégrer pour prêcher la bonne parole et essayer de contribuer au bien de la communauté. Incompris, bafoué, trahi, l’aventure s’est mal terminée et j’ai été obligé de le rapatrier en mauvais état. Resté doux comme un agneau, il m’a exhorté à refouler ma colère jupitérienne et à ne pas le venger. Il n’a pourtant pas oublié que rien n’a été fait de ce qu’il avait demandé.

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