Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 30 janvier 2013

LE RÉGIME DE MATHUSALEM


Plus que la pierre philosophale et la panacée universelle l’élixir de la vie obsède. Pourquoi ? On sait bien qu’il faudrait vivre un conte de fées pour trouver les deux premières tandis que nous vivons une réalité qui se termine vite, sauf pour Mathusalem qui, pendant 969 ans, en a profité en s’amusant beaucoup. Son exemple le prouve : survivre est possible avec l’élixir de l’ancêtre biblique. Pas l’original, car la tombe et son secret enterré avec lui ont été lessivés deux générations plus tard par un fort déluge dont Noé et sa famille furent les seuls rescapés, comme vous le savez. Vous êtes assis ? J’ai découvert un générique de la potion magique. Prescrire est en attente, Sanofi aux aguets, la Sécu aux abois.

Comment avez-vous fait ? Me pressez-vous. J’ai trouvé simplement que la plaisanterie avait assez duré. Depuis au moins 2000 ans, ils ont tout essayé. Rien ne marche.

La dernière méthode à la mode m’a décidé. Vous la connaissez peut-être. Je l’ai apprise de Monique Atlan et Roger Pol-Droit (Humain – Flammarion 2012, page 97). Un américain (les Ricains, toujours prêts à faire la guerre, sont à l’avant-garde) qui se dit trans-humain bouffe 200 pilules par jour pour reprogrammer son ADN et retarder le vieillissement. Son malheur est qu’à 60 ans il en paraît 60 et qu’il est le seul à ne pas s’en apercevoir. Il fallait en finir. Je me suis mis à réfléchir (c’est avec la sieste, les visites aux pâtissiers et le planter des choux ma principale occupation). Ce ne fut pas long : d’un peu de réflexion, d’observation et de déduction est venue la solution.

La vie est une flamme née d’une étincelle et qui va perdre, au fil du temps, sa force, son éclat. Elle finit par mourir quoi qu'on fasse et c’est en regardant les bûches flambées dans mon poêle que la lumière fût ! La qualité du bois conditionne la durée de son feu. Du chêne sec, dur, lourd, au grain serré, à l’aubier étroit brûle longtemps, dégage de la chaleur, laisse peu de cendres, à la différence du peuplier, du bouleau, des bois tendres, légers qui ne pensent qu’à pourrir sitôt coupés, se consument vite, chauffent peu.

Notre erreur mortelle est là, dans l’alimentation. C’est elle qui nous condamne. Nous mangeons des aliments périssables. Comment devenir immortels puisque nous sommes faits de ce qu’ils sont. Le secret est dans le contraire. Il faut se nourrir de ce qui ne fait pas que passer, comme nous. Elle est pleine d’autres spécimens, des végétaux qui, une fois installés, voient défiler les siècles. Chez eux, nous ferons notre marché.

Pour l’essentiel un potager est suffisant. N’y pousseront que les légumes perpétuels. Peu sophistiqués, presque sauvages, ils ont la particularité de vivre des années.

Nombreux, j’en énumère quelques uns : l’oignon rocambole (Allium cepa var proliferum), le poireau perpétuel à gousses (Allium porum), le chou perpétuel ‘Daubenton’ (Brassicae oleracea convar. acephala), le chou marin (Crambe maritima), le chénopode Bon Henri (Chenopodium bonus-henricus), l’oseille épinard (Rumex patienta), le melon-poire ou pepino (Solanum muricatum).

Vous en trouverez la liste et la manière de les cultiver sur Internet.  

Il y a aussi les plantes vivaces. Certaines sont bonnes à déguster. Elles vous donneront la vivacité qu’il convient pour profiter de toutes les années que vous allez gagner.

Si votre amour de la vie est infini, si jamais l’ennui vous effleure, si vous vous sentez prêt à affronter les siècles des siècles, dégustez en potion, en tisane, en gelée, en apéritif, en digestif, les immortelles. Elles embellissent le jardin, séchées, elles resplendissent dans les vases. Je vous recommande une immortelle de Corse : l’Helichrysum italicum. La Princesse Nausicaa lui devrait sa beauté et Ulysse son énergie. Son huile essentielle, un anti-âge est l’ennemi redouté du temps. Elles m’en voudront, ces discrètes, d’avoir dit ce qu’elles cachaient.

-    « Mais je ne suis pas végétarien. Il me faut du solide pour tenir le coup du matin au soir. Ce ne sont pas quelques feuilles de vivaces, quelques pousses de perpétuelles et des pétales d’immortelles qui me donneront la force de coltiner mes 80 kg et de porter, en plus, mes bagages. Je ne passe pas mon temps dans un fauteuil ».

-    « Sachez monsieur que mon cerveau consomme plus que vos deux mains calleuses. Du calme, je n’ai pas fini votre menu.

Pour vous rien ne vaut le bifteck bien saignant, l’andouillette, le pot au feu, le poulet, enfin une viande rôtie, braisée, grillée, fumée pour éviter quelle ne se faisande, la façon aristocratique de dire pourrir pour ne pas vomir. Elle vous fait saliver tant qu’elle n’est pas asticotée. Je vous l’apporte dans un plat de lentilles ».

La lentille, quelle belle graine. Elle contient tout ce dont vous avez besoin. Si elle ne vous suffit pas vous trouverez d’autres protéines végétales dans le soja, les pois chiches. Mais la lentille a fait ses preuves. Elle vient du fond des âges. Torréfiée, moulue, en farine, elle fera du pain, des gâteaux, des biscuits, des crêpes. Elle calmera votre faim, vous fera plaisir, des muscles. Elle vous évitera de tuer les veaux, de massacrer les poulets, d’équarrir les chevaux, de fusiller les lièvres, les lapins, les faisans, de vous couvrir de sang, de honte.

Pour se conserver, pas besoin de conservateurs. Ils sont dans ce que vous mangerez mais vous pouvez rajouter du sel, du sucre, du jus de citron, du verjus, de l’alcool. Pour le vinaigre, j’essaie d’en faire avec un vieux Loupiac, gras, épais, très écœurant, il colle à la bouche. Il a le parfum et le goût du suc et des sucres des fruits confits. Il se boit à la petite cuillère. S’il arrive à tourner en vinaigre il ne devrait pas avoir besoin d’huile.

J’en ai fini avec le plat de résistance de mon exposé. Pour rester vert très longtemps il ne suffit pas de préférer la chlorophylle à l’hémoglobine.

Des décennies avec de la charcuterie, on y arrive, mais dans quel état ! Ce qu’il vous faut pour être content ce sont des siècles, des millénaires. Vous êtes jaloux des séquoias. Avec un ou deux milliers d’années ils impressionnent mais c’est surtout leur taille qui étonne. Il y en a d’autres, plus vieux, toujours vaillants. L’olivier est de cette trempe, celui de Roquebrune-Cap-Martin a 2 000 ans, porte toujours beau

On le prendra comme modèle. Il résiste à tout. Même à la folie des espagnols qui inondent les jardineries de leurs beaux oliviers. Ils les déracinent, les mettent dans des grands pots, trop petits. Ingrats, ils les exilent après des siècles de loyaux services à faire de l’ombre, des olives, de la bonne huile et de la beauté dans le paysage.

De l’olivier il faut manger les fruits et boire son huile, celle de la première pression, à froid.

Pour nos résumer, avec des légumes perpétuels associés à l’huile d’olive, de la viande végétale, des plats et des salades de plantes perpétuelles parfumées d’immortelles vous aurez du temps à perdre.

Mais, est-ce suffisant ?

Quoiqu’il vous en coûte, je suis obligé de dire NON. Rendre extraordinaire votre ordinaire vous demandera des sacrifices mais, que ne feriez-vous pas pour rire bien et le dernier ?

Deux additifs sont nécessaires :

1/ L’or en paillettes ou en pépites. Inaltérable, imputrescible, inoxydable il est aimé depuis toujours. Ce n’est pas chez le bijoutier ou le monnayeur que vous trouverez celui qu’il vous faut. Fondu, frappé il a perdu ses qualités nutritives. Il doit être natif et c’est l’orpailleur qui vous le vendra. Ce petit métier a failli disparaître mais, avec la remontée de son cours ils recommencent à bâter dans les torrents. Il y en a certainement un, pas loin de chez vous, car nous vivons dans un pays en or.

Il a aussi l’avantage d’être réutilisable ad vitam aeternam après tamisage et nettoyage.

Le deuxième complément, rare, coûteux, est du charbon qui, taillé, biseauté, monté, devient diamant. Ce serait bien si, une fois par semaine, en alternant avec quelques paillettes ou une pépite pas trop grosse vous puissiez en avaler un. Comme il est éternel, il vous cédera ce qui le rend si beau, si solide. Dur à cuire, il raie tout. C’est pourquoi il doit être bien poli, si possible en mille facettes. Le même tamis servira et le cycle recommencera.

L’élixir de longue vie de feu Mathusalem n’avait donc rien de mystérieux, pas de terres rares, de plantes inconnues, de magie noire. Étant fait de ce que l’on mange il avait compris que pour durer plus qu’une éphémère il fallait croquer de l’éternel. Prescrire peut respirer, Sanofi se rhabiller, la Sécu se calmer… Il n’y a que les caisses de retraite à paniquer...

Questions :

1/ Vous croyez aux 969 ans de Mathusalem ?

-      Non, pendant longtemps, mais c’est sûr depuis qu’on a déchiffré dans un papyrus trouvé dans l’arche de Noé sur le Mont Ararat un faire-part de décès qui disait : «---la tristesse-- décès--- grand-père-- dit Mathusalem---- affection -----970 année… »

-      C’est officiel, la famille peut finir son travail de deuil.

2/ Est-ce que ça marche ?

-      Je ne sais pas. Ça vient de sortir. Patience, attendez de me voir dans 100 ans...

3/ Votre vinaigre au Loupiac, on peut y goûter ?

-      Là encore il faut attendre. Il est dans le vinaigrier. Pour le moment faites comme moi, du jus de citron de votre citronnier non traité.

4/ De l’or et du diamant, vous êtes en cheville avec les bijoutiers ?

-      Ah, l’incrédule ! Et vous votez.

-      L’or et le diamant, en allant de la bouche au trou terminal, sont lessivés par les secrétions digestives, caressés par les muqueuses, chatouillés par les villosités. Ils abandonnent au passage un peu de leur énergie, des souvenirs qui arrivent des entrailles de la terre et de la nuit des temps. C’est invisible, indicible, disponible, c’est homéopathique (une dilution CH 16 ou 32, c’est de la dynamite. La loi d’Hahnemann l’a décrété en 1796, Benveniste l’a démontré (1988). Une pointure, estampillée INSERM, souvent imité jamais égalé). Pourquoi s’en priver ?

5/ À quel âge commencer votre régime ?

-      Ça dépend. Vouloir vivre sans arrêt suppose un bel optimisme, un esprit d’entreprise qui saura s’occuper.

-      Ceci acquis, commencez au mieux de votre forme. Laissez passer la crise de l’adolescence, établissez-vous, soyez à l’aise. Vers la quarantaine, capable de sauter, de courir, les pectoraux toujours bombés, les abdominaux sans relâche, le cuir chevelu garni, l’œil perçant, l’ouïe fine, fringant, entreprenant, vous pouvez penser à prolonger votre futur.

Si vous attendez d’être un jeune vieillard pour suivre mes recommandations, vous aurez déjà la cataracte et la surdité qui s’installent, l’arthrose qui fait mal, la prostate qui grossit, etc. Est-ce trop tard ? À vous de savoir s’il vous reste beaucoup à voir.

Mais, si vous vous levez péniblement, avez peur de vous pencher, ne voyez que les grosses lettres, n’entendez que les grosses voix, quand le chocolat est amère, le sucre écœurant, le sel fade… Quand on n’aime que son chien, le temps de ne plus vieillir est passé. Je vous conseille plutôt un sommeil de plomb.

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